La résistance aux changements


Lorsque je propose à un proche aidant de lui offrir du répit, soit à domicile ou au Pavillon des Aînés, très souvent leur première réaction est “OUI! mais mon conjoint(e)/ parent ne voudra jamais accepter“.

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Ce qu’il faut comprendre dans tout ça, c’est que le besoin de répit du proche aidant est bel et bien présent, mais qu’il ne pourra bénéficier de ce répit seulement si son aidé accepte lui aussi l’aide proposée. Et c’est souvent là que ça bloque pour le proche aidant.

 Il est vrai que nous nous confrontons souvent à une résistance de la part de la personne en perte d’autonomie pour accepter la mise en place de services.  Mais si on se met à la place de la personne qui a des pertes cognitives ou physiques, on doit premièrement comprendre que cette personne n’a peut-être pas accepté ses pertes, d'où la fameuse phrase que les aidants entendent souvent : “Je n’ai pas besoin de personne, je suis encore capable de faire mes choses”. Cette phrase crée de la frustration et de la colère chez le proche aidant car il sait que c’est lui qui pallie aux différents manquements de son conjoint(e)/parent et que cette phrase n’est pas tout à fait exacte.

Deuxièmement, quand un aidant me dit que son aidé ne voudra pas accepter du répit à domicile ou au Pavillon des Aînés, j’entends aussi l’inquiétude, autant du proche aidant que de la personne dont il prend soin, que nous allons bousculer leur routine avec nos services. Oui, c’est un fait que nous allons apporter un changement dans les habitudes de vie des personnes et tout changement amène une période de stress et d’adaptation. Cette capacité d’adaptation varie beaucoup d’une personne à l’autre. Certaines personnes ont toujours eu dans leurs vie une certaine facilité à s’acclimater à des changements et pour d’autres, c'était plus difficile et cela leur prenaient plus de temps pour apprivoiser le tout. En vieillissant, perte d’autonomie ou non, nous conservons notre personnalité et notre tempérament. Il faut donc entendre et comprendre que lorsqu’un aidé refuse le répit, c’est aussi parce qu’il a peur que nous chamboulions sa routine de vie. Et c’est ici que nous pouvons intervenir avec la personne et la rassurer sur nos objectifs et notre façon de faire pour instaurer le répit tout en respectant son besoin de conserver sa routine et le respect de son intimité. Car il faut aussi comprendre que de laisser entrer une accompagnatrice à la maison, c’est aussi laisser entrer une inconnue chez eux. Cette situation amène également de l’anxiété,  autant chez l’aidant que chez l’aidé. C’est pourquoi nous privilégions une approche tout en douceur et en transition pour leur permettre de bien comprendre que l’accompagnatrice n’est ni une menace à leurs habitudes, ni une gardienne pour eux. C’est une personne qui va les accompagner dans leur routine, travailler avec eux pour leur permettre d’exploiter leurs forces et leurs capacités et ainsi mettre de l’avant un sentiment de compétence, de fierté et d’accomplissement.

Accepter de venir au Pavillon des Aînés pour une personne en perte d’autonomie, c’est aussi accepter d’être confronté à ses limites et se mettre en danger. On peut donc comprendre que pour certaines personnes, cette étape est particulièrement difficile et menaçante. On parle alors de sortir complètement la personne de son environnement sécurisant (donc de son domicile), de le mettre dans un environnement qu’elle ne connaît pas (donc le Pavillon), avec un groupe de personnes qu’elle ne connaît pas (les autres usagers), pour réaliser et participer à des activités qu’elles n’ont jamais fait (donc peur du sentiment d’échec), en leur enlevant leur moyens de défense face à leur perte d’autonomie (stratégies compensatoires), et tout ça, sans la présence rassurante et réconfortante de leur point d’ancrage (donc du proche aidant). Entre vous et moi, expliqué comme ça, aucune personne saine d’esprit ne va accepter de venir au Pavillon!

Je me mets donc à la place de ces personnes et je peux très bien comprendre toutes leurs inquiétudes face à leur fréquentation au Pavillon. Sauf que moi, je sais que les bénéfices de fréquenter le Pavillon, autant pour le proche aidant que pour la personne en perte d’autonomie sont énormes et que ces bénéfices vont prendre le dessus sur les peurs, l’angoisse et les inquiétudes de la personne aidée. C’est donc cette approche que je privilégie avec les familles, pour leur permettre de bien comprendre que nous mettrons en place une période d’intégration et de transition qui se fera en douceur, selon le rythme et la capacité d’adaptation de la personne. 

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Les accompagnatrices de la Maison de la Famille ainsi que les intervenantes au Pavillon des Aînés sont aussi bien conscientes des défis avec lesquels doivent composer les personnes en perte d’autonomie. C’est pourquoi leur approche tout en douceur, mise sur les forces et les compétences de la personne, sur leurs intérêts et sur leur sentiment de fierté, d’accomplissement et d'appartenance au groupe.

Voilà tout ce que veut dire la phrase pas si banale finalement : “Mon conjoint(e) / parent n’acceptera jamais le répit”.

Le meilleur conseil que je peux vous donner, c’est de prendre le temps de valider les craintes et inquiétudes de votre conjoint(e)/parent et de lui proposer de faire une période d’essai. Ensuite, nous prendrons la relève pour diminuer le sentiment d’insécurité auquel il/elle sera confronté.

À travers les années, cette approche a été gagnante pour plusieurs familles et certains proches aidants nous ont fait part qu’il ne pensait pas possible que leur aidé aimerait et attendrait avec impatience  la visite de l’accompagnatrice ou les activités au Pavillon car il/elle refusait catégoriquement le répit au début. Nous réussissons à faire des petits miracles parfois, un pas à la fois!

Isabelle Desrosiers
Coordonnatrice des services aux aidants
450-446-0852 p.32
 
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